Septembre/Octobre

Samedi 8 septembre, 0h30
Est-ce le signe monstrueux d’un rejet de l’humanité que de n’être affecté par plus rien ? Je croyais fermement à quelque chose de durable avec Elen. J’ai focalisé sur les quelques défauts, notamment sa manière peu gracieuse dans le modulé de sa voix (à la manière d’Arletty), et je m’en suis ouvert à elle. Révélation mal digérée, voilà deux jours que l’on a plus de contact (mes appels de ce soir finissent sur un répondeur). Je n’en éprouve aucune peine. J’ai même relancé au tél. Bonny pour qu’une rencontre puisse être programmée (rendez-vous est pris pour mardi soir).
L’écriture ne m’apporte plus de plaisir expiatoire.

Mercredi 12 septembre, 1h30
Je vous salue Mahomet !
Le XXIe siècle vient vraiment de commencer avec la disparition apocalyptique des deux tours du World Trade Center et l’atteinte au Pentagone. Le terrorisme prend une dimension effrayante. La vraie bataille à mener se cristallise contre ces kamikazes islamistes. Choc international et traumatisme des Etats-Unis. A la mode japonaise, mais avec des objectifs civils en ligne de mire, les avions-suicide semblent inarrêtables. A force de donner les bons et mauvais points, de soutenir puis de rejeter tel ou tel par stratégie politique, le Gendarme du Monde vient de subir un terrifiant retour de boomerang.

Jeudi 13 septembre, minuit quarante
Je vous salue Mahomet !
Malgré la fatigue, je ne peux m’abandonner au sommeil sans une pensée émue pour toutes les victimes des « actes de guerre », commis sur le territoire américain, et leurs proches. L’horreur absolue vécue par les passagers des avions-suicide et par les personnes présentes dans les twin tours et au Pentagone ne peut qu’incliner à la compassion.
La réflexion, plus historique, et moins affective, conduit tout de même à souligner que les USA ont probablement été victimes de la détermination de celui qu’ils ont grassement armé contre l’URSS vingt ans plus tôt. Ironie cruelle d’un manque d’anticipation et inconscience de la politique étrangère de l’époque.
Discours du président Bush Jr sans intérêt, et certainement pas à la hauteur de l’événement majeur, initiateur du XXIe siècle.


Samedi 15 septembre, 3h05 du mat.
Magnifique soirée amicale et affective avec Katia, connaissance de récente date, mais avec qui une complicité s’est développée presque instantanément. Encore une beauté d’âme salie dans sa jeunesse par des connards d’adultes.
Son regard de chat, de félin (l’iris de ses yeux est décoloré sur les bords, ce qui le rend plus fin) m’émeut et m’incline à faire fructifier cette amitié. Etre présent si elle a besoin de soutien et d’aide. En soirée très tardive, passage au Club 30 pour écouter Bonny chanter : son et modulés exemplaires.
Avec Elen les choses vont mieux.

Mardi 18 septembre, 0h30
Les relais médiatiques persistent dans l’intensité de la relation des attentats. Moi, je me vautre dans l’inconsistance.
Quelques rêves avec les tours jumelles...

Mercredi 19 septembre, 23h45
Je vous salue Mahomet !
Le sacrifice d’innocents ne peut pas être tolérés, qu’ils soient ceux de New-York, de Washington ou d’ailleurs. Il faut effectivement anéantir les réseaux terroristes, mais cela ressemble plutôt à un voeu utopique. Beaucoup de musulmans y compris, et peut-être surtout, ceux installés aux Etats-Unis, doivent ressentir un profond malaise entre le rejet de cette violence meurtrière aveugle et la compréhension des griefs contre la superpuissance qui ont amené ces individus à de telles extrémités.
Je songe à mes chroniques rédigées lors de la guerre du Golfe : ma critique contre les usa devait rejoindre celle des musulmans. A trop se croire Gendarme du monde, tout en jouant avec les autres Etats dans leur intégrité, dans l’aide apportée à tel ou tel pour accéder au pouvoir, à trop diffuser leur modèle d’existence comme le seul possible, les américains ont été atrocement sanctionnés.


Samedi 22 septembre, 0h30
Encore un froid avec Elen, et mon inspiration se tarit.

Mardi 25 septembre, 0h30
Tout va bien mieux avec Elen. Un doux week-end de retrouvailles. J’espère que cela durera, cette fois.
Je vous salue Mahomet !
Rien ne va dans ce monde en proie au terrorisme et aux risques technologiques majeurs. Entre les explosions de sites classés Sévéso I, la ville rose vient d’en subir l’onde de choc, et les menaces d’attentats chimiques et bactériologiques, la menace mine le moral et n’incline pas à construire.

Mercredi 26 septembre, 0h20
Je vous salue Mahomet !
Les ratages sémantiques de l’administration Bush révèlent un état d’esprit chargé des vieilles et irrépressibles tendances américaines. Premier acte : le président évoque l’action de représailles à venir comme une nouvelle « croisade ». La connotation ne laisse aucun doute sur les intentions sous-jacentes, et plus ou moins conscientes, d’américaniser les contrées. Seconde bourde : le baptême de l’opération militaire envisagée : Justice infinie ou sans limite suggère une conception bien belliqueuse et expéditive de la justice. A la va-vite, on renomme l’objectif : liberté immuable. Quel souci poétique !


Mardi 2 octobre, 0h15
Je vous salue Mahomet !
Côté USA, les préparatifs d’une éradication des réseaux terroristes s’affirment par la bouche du manichéen Bush le simplet et s’exécuteront dans l’underground cultivé. Pas d’attirance pour le régime taliban, « ne vous y trompez pas » pour reprendre l’expression favorite du président américain. Tous ces islamistes au relent moyenâgeux méritent l’exécution sommaire avec talonnage en pleine gueule en préliminaires sanglants. Leur façon de traiter les femmes impose déjà qu’on les écarte. Cette démesure fanatique semble plutôt révéler un véritable rapt du pouvoir politique. La religion étant là pour mieux contrôler la population.

Jeudi 4 octobre, 0h15
Le Conflit de 100 ans ?
Entre la question du caractère infini de l’univers et savoir quand prendra fin le conflit israélo-palestinien, les angoisses métaphysiques s’équivalent. Le onze septembre 2001 n’y change rien. De l’esprit obtus à la mauvaise foi caractérisée, aucune place pour l’amorce d’un compromis. On ne peut même pas les laisser se foutre sur la tronche, car l’hémorragie belliqueuse se répandra sur toute la planète. Reste alors, comme pour l’irrésolu infini, à vivre avec, dans une conscience résignée.
23h55. Encore une belle soirée avec la surprenante Katia. Notre symbiose amicale fructifie et ses qualités humaines se confirment. La semaine dernière, un passage vociférateur et intolérant de mon Journal (qu’elle souhaitait lire, ainsi que la nouvelle La veillée des dieux) l’ont fait pleurer, la replongeant dans son passé corporel atroce. Une peine dépassée par l’intelligence rapidement.

Jeudi 11 octobre, 1h30 du mat.
L’exil volontaire ne se résout pas à l’isolement : quelques touchantes attentions pour mes 32 printemps.
Un week-end dernier tout en douceur avec Elen, et ce malgré une crise inaugurale de la belle qui faillit tout anéantir dans l’œuf. Finalement les marques furent prises, les petits cadeaux appréciés et les gourmandises charnelles abondantes.
Malgré ses qualités et mes sentiments pour elle, je garde en moi comme une vigie instinctive, une méfiance quant à ces changements brutaux d’humeur, et toutes les pulsions destructrices qui les accompagnent, ce qui me renvoie à de très mauvais souvenirs. Je persiste toutefois à croire en notre relation.
Une visite éclair, mardi matin, de ma chère amie Katia avec d’adorables attentions pour improviser un moment festif : petit gâteau avec prénom aux smarties et bougies à chiffres ; fraises Tagada pour la couleur et ballons gonflés pour l’ambiance, L’Alchimiste avec un petit mot d’affection amicale : « Il faut que tu saches que tu pourras toujours compter sur ma présence, pas d’explication, juste une intuition ». Quel ravissement de l’avoir pour amie, tout comme Shokat qui m’a envoyé une jolie carte. E-mail de Heïm de Hermione & V. et d’Heleen.
Voyage à Paris pour une soirée avec Sally, Karl et Sophie, peut-être entrevue de la pétillante Estelle puis tournée familiale.
A propos de Heïm : dans un premier e-mail, il s’étonne que je n’ai pas répondu à son message laissé sur mon répondeur téléphonique. Je lui réponds qu’il s’agit sans doute d’une erreur de manipulation de ma part... et que j’en suis désolé. Second e-mail de sa part pour me donner quelques nouvelles générales, et me préciser les circonstances de ce message évaporé : le coup de fil remonte à un mois, à un numéro pour le moins plus d’actualité... mon ancienne ligne au château d’Au, résiliée depuis belle lurette !

Mercredi 18 octobre, 0h40
Tournis de ces semaines qui défilent sans que rien ne me motive à changer cette existence-témoin.
Dense et bon passage à Paris. Soirée du vendredi avec Sally, Karl et Sophie (dans une belle forme) au Crazy horse de feu Bernardin. Numéros féminins de perfection. Bonne ambiance successive chez mes parents... Trop fatigué, il me faudra reprendre... Satanées paupières qui se ferment d’elles-mêmes.
Très bon documentaire sur le thème de Pour en finir avec le communisme avec La faute à Lénine qui démontre bien que Staline n’a fait que prolonger toutes les structures dictatoriales et criminelles mises en place avant.

Samedi 20 octobre, 1h env.
En compagnie d’Elen dans mon nid, je reviens en éclair sur mon séjour parisien. Bons moments familiaux avec maman et Jean d’une part, papa, Anna et les adorables Alex et Raph d’autre part ; Jim et Bruce m’accompagnant dans mes visites.
Parmi les cadeaux, une vraie surprise qui ne pouvait déclencher que mon enthousiasme : mon père m’offre en dix CD l’intégralité des entretiens que Paul Léautaud a accordé à Robert Mallet. Je ne possédais, enregistrés à la sauvette au château d’O lors de leur diffusion sur France-Culture, que quelques heures. Là, plus de onze heures de cette plongée dans la première moitié du XXe siècle littéraire par le prisme de l’octogénaire bougon.
Mon manque d’allant vers l’humanité explique certainement mon manque d’entrain pour toute carrière. Je n’ai que foutre de cette perspective alors que la menace barbare plane toujours.

Jeudi 25 octobre, 0h30
Ma relation avec Elen se pérennise et cela me rend plus serein, même si je ne ressens pas la galvanisation qui anéantirait ce besoin en moi de séduire. Mon lien tient davantage de l’affectivo-sexuel, mais j’espère que cela se poursuivra.
Partager le maximum dans la douceur sans projection temporelle : pas une philosophie, mais une logique à l’aune de mon caractère. A moins d’une rencontre amoureuse qui me transfigure pour l’ascendance existentielle, j’ai renoncé à toute ambition affective, artistique et professionnelle.
Accomplir les quelques tâches pédagogiques confiées (la médecine du travail m’a déclaré hier matin, après examen, apte ! Ouf !), me laisser aller à quelques prurits littéraires de plus en plus brefs dans ces pages... c’est à peu près tout.
Une chose essentielle cependant : cultiver les amitiés qui me restent. A Lyon : Elo avec qui tout s’est normalisé, la confiance ayant même reparu depuis qu’elle me sait avec Elen ; Katia surtout, récente relation pourtant, mais ô combien magnifique identification complice et affective. Son amitié m’est aussi précieuse que celle de Shokat, c’est dire !
Par internet, liens suivis avec Flo J. et Heleen, deux ex petites amies avec qui la conversion amicale s’est bien ancrée. Sandre conserve une place dans mes relations amicales, mais les contacts se font de plus en plus espacés. Moins d’enclin, l’essoufflement semble avoir aussi atteint la dimension amicale de notre rapport.
Côté international, poursuite des actes belliqueux. L’âge cromagnon s’avère décidément très présent, et plus que jamais d’actualité.

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